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Première réponse pour Alexandra Alévêque : mettre les gens en valeur. 


Subjectivité et objectivité : des notions  incompatibles ? 

"L’objectivité à tout prix c’est impossible. Est-ce que la plus belle objectivité n’est pas une subjectivité assumée ? Est-ce que faire semblant que tout est objectif rend les choses objectives ? Face à quelqu’un qui dit sa vérité, j’ai le droit de pas être d’accord, il me laisse la liberté pour penser autrement. Donc pour moi ce n’est pas antinomique de penser objectivité et subjectivité."


- Aude Servais, chercheuse spécialiste du documentaire


"Je reçois des messages où les gens me disent 'je connais mieux ce milieu grâce à vous'. Ça me touche énormément. Mais je me dis juste comment on a bossé pendant toutes ces années pour que les gens ne sachent pas ce qu’il se passe dans une usine, ou à l'hôpital. Je me pose vachement de questions sur le métier en fait. Parce que je ne comprends pas qu’on me dise 'vous m’avez fait découvrir un truc'.







Tant mieux, mais je trouve ça totalement anormal. Comment on travaille ? En fait je trouve qu’on travaille mal parfois. L’usine c’est un lieu de tournage qui est très habituel, les ouvriers on s’en contrefout. Sans ouvrier une usine ce n’est rien, mais on n’en parle jamais. On ne va pas les voir, tout le monde s’en fout. Je ne comprends pas. Pour moi vraiment il y a un avant et un après 21 jours.

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Un procédé ancien, qui colle à l'air du temps 

Pour la chercheuse spécialiste du documentaire Aude Servais, rien de nouveau sous le soleil : 


"Cette idée qui consiste à participer pour tirer au mieux une réalité, ce n’est pas très innovant. Dans le cinéma documentaire c’est même extrêmement vieux, ça date du début du 20ème siècle. Les sociologues ont déjà utilisé ça aussi, ils appellent ça l’observation participante. Et le cinéma militant en est aussi une assez grande expérience." 


 L'heure du bilan

L'incarnation comme réponse à la crise de confiance des médias ? 

“L’incarnation, est un réel plus dans la mise en valeur des autres. La subjectivité met les gens en confiance : ils sont naturels, ils se félicitent qu’on s'intéressent à eux, et le fait de faire des efforts avec eux, de se lever à 4h du matin au couvent, de bosser à l’usine, de changer des couches, le fait de mettre les mains dedans, ils se disent “elle a vraiment envie de savoir ce qui se passe dans notre vie”."


Pas d'économie d'énergie


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écouter l'interview d'Anne Roucan : 

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Quand Alexandra découvre comment son corps et son appétit sont en train de changer parce qu’elle a perdu la vue, elle ne peut pas l’inventer ! Quand elle découvre qu’elle n’a jamais autant ri et eu de discussions ouvertes que dans un couvent, lieu pourtant extrêmement fermé, elle ne s’y attendait pas, nous ne nous y attendions pas. Donc il y a de vraies surprises par rapport aux clichés et aux préjugés qu’on peut avoir sur un sujet et sur un univers."

"Je pense qu’on est dans une réponse à la représentation semble-t-il que se font les téléspectateurs des journalistes, à savoir “collusion, on ne nous dit pas tout, on nous cache des choses”... Là on est vraiment dans une autre identité du journaliste, avec l'observation participante. 






Moi je pense que dans toute forme de journalisme, il y a de la subjectivité et il faut l’assumer. On l’assumerait plus, les journalistes auraient une bien meilleure image. Je pense que cela peut un peu redonner confiance dans le métier de journaliste, parce que si la subjectivité est assumée, c’est très honnête finalement."





"Je viens de lire le bouquin d’Emmanuel Carrère. Il assume complètement cette subjectivité. Quand il écrit, il parle vachement de lui. Mais en fait on s’en fiche de lui : c’est la démarche de la personne qui essaye de chercher la vérité quelque part et ce qui lui passe par la tête et ce qu’il vit au moment où il le fait : cela me passionne. Ce n’est pas mégalo, c’est subjectif.


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La subjectivité n'est pas narcissique ! 



- Alexandra Alévêque

Les gens du sérail valident

Là avec 21 jours j’ai passé, même plus un cap, c’est au-delà. Je trouve que d’abord on a développé une espèce de forme de tournage dont je suis très fière, et vus les retours que j’ai eu je me dis oui on s’est pas trompé on a été très fidèles à ce qu’on nous a raconté.

C’est ça, c'est ce que je voulais faire comme métier : essayer de retranscrire le plus fidèlement la réalité. Ma vérité n’est pas la vérité de tout le monde mais enfin il y a bien un truc qui ressemble quand même un peu à la réalité, et on a essayé de le toucher le plus près possible, avec ce que je suis donc avec mes questionnements qui sont pas ceux d'une autre personne."

"Il y a un avant et un après 21 jours" 

 Origines

Jour l : Origines


Jour 1 : Origines 

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 Genèse

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“Accompagner le public”


Anne Roucan, responsable de l'unité documentaire à France 2 et co-productrice de la série documentaire 21 jours explique le parti-pris de la série documentaire :

"Avec 21 jours l'idée était d’accompagner le public avec un personnage incarné, capable à la fois de nous faire découvrir des univers étrangers, pour se mettre en situation et comprendre mieux la situation des gens concernés. En sociologie on appelle ça l'observation participante, et c'était l'idée : qu'elle ne soit pas que journaliste et qu'elle dise autant ce qu'elle observe que ce qu'elle éprouve." 

écouter l'interview : 

21 jours est tiré d'un format espagnol : voir la vidéo bestof

écouter l'interview : 

Pour Anne Roucan, aucune autre prétédentante au poste n'aurait pu porter le format. 

"On a fait des essais avec plusieurs autres personnes. Mais Alexandra a une capacité d'empathie, de rencontre avec les gens très efficace, et très sincère je pense. Cela se ressent beaucoup dans sa manière de nous faire rencontrer les gens. Par ailleurs elle a suffisamment de maîtrise journalistique pour être dans ce rôle de journaliste et de participante.

 

On a trouvé qu’elle avait et la maturité, la dextérité journalistique, l’expérience, et en même temps l’énergie, la sympathie et l’ouverture qui correspondait à ce qu’on voulait faire du format."


 

écouter l'interview d'Anne Roucan, co-productrice de 21 Jours: 

 Une subjectivité assumée

Dans 21 jours, Alexandra Alévêque n’est donc pas -que- journaliste. Elle est aussi dans ce rôle de “participante”. La dichotomie va plus loin : en dévoilant une partie de ce qui la caractérise (comme l’âge auquel elle a regardé son premier porno ou bien encore le métier d’instituteur de son père) pour contextualiser, la journaliste livre aux téléspectateurs ses sentiments, ses ressentis, pour leur faire vivre l’expérience à travers elle. 

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"Dans ses films, il y a une partie selfie où Alexandra Alévêque se filme elle-même. C’est le monde dans lequel on vit qui construit les individus de cette manière-là finalement."


-Aude Servais


"C'est une mode d'individualiser les pratiques, et de se mettre en scène. Une mode qu'on peut considérer comme générale dans la société : on est tous avec des blogs, on se met tous individuellement en avant."

écouter l'interview : 

écouter l'interview d'Aude Servais: 

 L'incarnation, ça sert à quoi ? 

Pour la chercheuse Aude Servais, l'incarnation a un autre atout : elle est rentable. 



“Il faut prendre en compte l’aspect économique : l’incarnation intéresse beaucoup les chaînes parce que cela ne coûte pas très cher -même si le documentaire en général ne coûte pas très cher-, l’avantage marketing de l’incarnation c’est que cela nécessite pas un temps de tournage et de montage très important : il y a assez peu de voix off, les sujets sont très ciblés avec souvent une unité de lieux. Or ce qui coûte cher dans un film ce sont : les archives, et les tournages à l’étranger. Donc là on évince déjà ces facteurs assez coûteux.”


Une vertu économique

écouter l'interview  : 


la fin de la deuxième année je voulais arrêter, parce que j’étais épuisée. Je repense aux urgences, parce que c’est vraiment celui qui moralement m’a mise le plus à plat. J’avais bossé en maison de retraite, mais jamais en hôpital. Et je n’étais pas prête. On ne m’a jamais appris comment côtoyer la mort toute la journée. La solitude, la vieillesse, la saleté, le manque de moyens, des horaires de travail de 19h à 7h du matin, ce n’est pas un rythme auquel je suis habituée, et donc j’ai tout pris à 100%. Et en fait au bout de 10 jours j’étais au fond du bol. J’étais totalement déprimée pendant le tournage et pendant deux mois après."


écouter l'interview d'Aude Servais: 

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"Je m'appelle Alexandra. Je suis journaliste." Voici les deux phrases que l'on entend à chaque début d'épisode de 21 jours. Pourquoi ? Pourquoi choisir de se mettre en scène pour montrer un sujet ? Qu'apporte l'incarnation ?Au départ, j'avais une réponse toute trouvée : incarner pour rendre accessible, incarner pour prendre le téléspectateur par la main, faire de la pédagogie. Finalement, la chose est plus complexe.


À travers les regards croisés de la première intéressée, Alexandra Alévêque qui porte le documentaire, d’Anne Roucan en charge de la co-production, et d’Aude Servais, chercheuse spécialiste du documentaire -qui apporte une analyse plus théorique-, une autre réponse se dessine.


Avec aussi les commentaires des téléspectateurs, il apparaît qu’en réutilisant le procédé -pourtant ancien- de l’incarnation, la série 21 jours ouvre une porte. Celle d’un journalisme autrement et peut-être même, celle de la réconciliation du public aux journalistes.

 Épilogue

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"Le format tel qu’on le voulait était différent du format espagnol. On le voulait moins ... vous dites "racolleur", on peut dire ça comme ça (rires). La journaliste était bien plus jeune que ce que nous voulions cibler, notre audience n’est pas particulièrement jeune, plutôt autour de la cinquantaine, donc il fallait qu’on reste cohérent et avec la chaîne et avec notre case.”


Anne Roucan, unité documentaire de France Télévisions

Mais France 2 a tenu a se distancier de l'original :  



écouter l'interview : 

Alexandra Alévêque et personne d'autre

Pour Anne Roucan, aucune autre prétendante au poste n'aurait pu porté le format. 

Si le concept de 21 jours est de se mêler aux interviewés et de vivre comme ces derniers, avec cette série documentaire, CAPA et France 2 proposent autre chose que du gonzojournalisme : il ne s'agit pas de pousser l'enquête journalistique dans sa radicalité. Au contraire, la recherche de la réalité se fait avec, et à côté des sujets de l'histoire. 

Avec cette démarche d'observation participante, la journaliste casse la distance avec le public, mais aussi avec les personnes filmées. Elle se place du côté des sujets, et pas du côté des sachants, redéfinissant ainsi la place même du journaliste. 

Se dessinent alors les contours d'un nouveau journalisme, en empathie avec ses interviewés, et où les raisons qui amènent le journaliste à tel ou tel questionenemnt sont purement assumées : 'je pose cette question parce que je suis comme cela, que je viens de tel milieu, que j'ai eu telle enfance'. En ce sens, cette forme de journalisme empathique renouvelle l'identité du journaliste et ouvre une fenêtre pour tenter de solutionner la crise de confiance qui ébranle les médias. 

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